Une concertation préalable portant sur « l’avenir du traitement des déchets en Haute-Vienne et en Creuse »[1] s’est tenue du 12 septembre au 21 octobre 2022, portée par l’Entente intercommunale (communauté urbaine de Limoges, Syded 87 et Évolis 23) et suivie par la Commission Nationale du Débat Public. Une double problématique est à l’origine de cette démarche. Depuis 2015, il est établi que l’incinérateur de Limoges, d’une capacité de 110 000 t/an, est en fin de vie et son exploitation sera rendue difficile après 2029, où il atteindra alors 40 ans d’exploitation. Par ailleurs, le département de la Creuse ne dispose plus d’aucune solution de traitement de déchets depuis 2018, suite à la fermeture du centre d’enfouissement de Noth arrivé à saturation. Les collectivités de la Creuse ont alors trouvé des exutoires en Indre ou dans l’Allier, mais sous couvert des limites administratives des Plans Régionaux de Prévention et de Gestions des Déchets des arrêtés préfectoraux sont pris pour interdire ces pratiques, à partir de 2023 pour l’Indre notamment. Partant de ce constat, nous avons pu obtenir que le périmètre de la concertation soit élargi à tout le département de la Creuse et non seulement au quart nord-ouest couvert par Évolis 23.

Le dossier de concertation :

Les enjeux présentés par l’Entente concernent l’autonomie du territoire en matière de traitement des déchets et la maîtrise de la gouvernance et des coûts, le respect de l’ensemble des textes règlementaires, l’obligation de la transition et de l’autonomie énergétique et la recherche de l’excellence technologique et de façon implicite le bienfondé de la constitution de l’Entente et de son élargissement à toute la Creuse.

Le dossier de concertation présente les choix de l’Entente pour la valorisation énergétique, d’où la présentation de la création d’un réseau de chaleur pouvant récupérer l’énergie fatale d’un futur incinérateur, pour une capacité de traitements de 100 000 à 110 000 t/an. Sont alors présentés succinctement trois scénarios :

- L’option zéro installation de traitement sur le territoire

- La modernisation de l’incinérateur actuel

- L’option d’un réseau de chaleur avec chaufferie biomasse au lieu d’un incinérateur

Un scénario dit « préférentiel » est plus largement développé de création d’un nouvel incinérateur sur quatre localisations qui sont analysés sur des critères fonciers, géographiques, d’accessibilité, de densité de population impactée, environnementaux et financiers.

Pour finir, les enjeux environnementaux, sanitaires et sociaux économiques sont abordés dans le dossier de concertation, faisant état notamment des progrès réalisés par l’incinération depuis 30 ans et du respect des réglementations par l’incinérateur actuel, c’est heureux, mais non satisfaisant.

Notre contribution au débat :

Dès le début de la concertation, nous avons contribué activement au débat en fournissant un argumentaire étayé qui a été mis à disposition sur le site de la concertation et nous avons été invités par l’Entente à intervenir en tribune lors de la réunion d’ouverture. Nous avons ainsi pu plaider pour que le débat ne se réduise pas seulement au traitement des déchets résiduels, mais soit élargi au service public de gestion des déchets dans son intégralité, dont l’enjeu prioritaire fixé par la loi est de prévenir et réduire la production et la nocivité des déchets. Le débat devrait permettre de tirer un bilan de l’échec des politiques de réduction pour 2020 des déchets ménagers et assimilés et des ordures ménagères résiduelles. Les politiques des petits pas adoptées avec pour objectifs les seuils minimaux imposés par la loi n’ont pas été efficientes. Nous soutenons que des objectifs ambitieux de réduction des déchets résiduels devraient être retenus pour quantifier les installations de traitements nécessaires.

Nous avons pu faire prévaloir que le débat se devait de suivre la hiérarchie des modes de traitement imposée par la loi, et non pas partir d’objectifs de récupération d’énergie (l'incinérateur n'est vu que comme une grosse chaufferie) pour fixer la taille de l’incinérateur. En effet, nous avons pu rappeler que la loi (PPE) ne fixe pas d’objectifs de production d’énergie à partir de déchets ; les objectifs de prévention, de réutilisation et de recyclage sur les territoires concernés devraient conditionner le dimensionnement de toute installation de traitement des déchets, d’où la nécessité de prendre en compte les incidences des lois sur la transition énergétique, mais aussi sur l’économie circulaire pour les échéances 2030, 2040 et 2050.

Le débat tel que présenté par l’Entente pourrait laisser à penser que la réduction des déchets n’a d’autres solutions que technologiques en les rendant « vertueuses » et acceptables par production d’énergie dite « renouvelable ». Or, les solutions sont en grande partie dans nos modes de vie et de consommation à titre individuel et collectif, l’autre partie relevant de la responsabilité des producteurs et metteurs sur le marché de biens de consommation. Cela pose la question de l’information et de la participation du public et des entreprises aux politiques de gestion des déchets et donc de la gouvernance ; une concertation et une enquête publique tous les trente ou quarante ans étant nécessaires, mais insuffisantes.

Il est exclu de ne rien faire ou d’externaliser le traitement des déchets. L’Entente privilégie le scénario de construction d’une nouvelle installation sur la parcelle existante avec entre autres objectifs « la recherche de l’excellence technologique au service de la maîtrise des impacts sanitaires et environnementaux ».  Il faut rappeler ici que le déchet qui pollue le moins est celui que l’on ne produit pas, quelle que soit l’excellence technologique de traitement.

Le service public de gestion des déchets doit pouvoir faire la preuve qu’il met tout en œuvre pour tendre vers la soutenabilité sanitaire, écologique et sociale de son activité. Ainsi, le scénario « préférentiel » n’est pas acceptable. Il n’est en effet nullement tenu compte de la population riveraine qui a subi les émissions polluantes de l’incinérateur depuis le début de son exploitation en 1989, avec des seuils d’émissions sans communes mesures avec ceux acceptés aujourd’hui. Certaines molécules n’acceptent pas de seuil autre que zéro, tels les perturbateurs endocriniens qui ont des effets transgénérationnels avérés. La qualité de vie des riverains est grandement impactée par l’incinérateur, en plus des réseaux routiers (A20, D142) et va l’être encore plus avec l’implantation programmée d’autres installations classées pour la protection de l’environnement à moins de 2 km.

Nous plaidons pour qu’ayant tout mis en œuvre pour réduire les déchets résiduels, si l’incinération doit être retenue, cela doit être éloigné de zones d’habitations, de crèches, collèges, lycée. Des mesures complémentaires de molécules polluantes non encore réglementées comme les particules ultrafines (PM0,1) ou en cours de l’être comme les dioxines et furannes bromés doivent être programmées du fait de leur dangerosité avérée. Un moratoire sur l’utilisation des mâchefers en technique routière doit être pris pour cesser les pollutions diffuses.

Les différents points retenus par l'Entente à la clôture de la concertation :

Lors de la réunion de clôture de la concertation, l’Entente retient le bienfondé de son existence et de son élargissement à la Creuse et la nécessité de réétudier le juste dimensionnement de l’incinérateur en fonction des objectifs de prévention, l’intérêt d’un réseau de chaleur (beaucoup de participants demandant pourquoi cette installation fait partie du débat), les interrogations sur la localisation.

Concernant la prévention et la sensibilisation, l’Entente souhaite capitaliser les actions de prévention, renforcer les mesures autour des mesures incitatives à la réduction des déchets et la collaboration entre les territoires. L’Entente s’engage à prendre en compte au maximum les contributions à venir ainsi que les enjeux et objectifs de l’économie circulaire et de réemploi.

Indépendamment du nouvel incinérateur, un nouveau pacte de confiance est proposé pour améliorer la communication avec les riverains de l’installation actuelle (SMS, site internet, projet jury de « sentinelles »), poursuivre les échanges avec les associations et être plus proactif avec la recherche universitaire.

Prochaines étapes, le compte-rendu des garantes de la concertation suivi de l’enquête publique sur le projet finalement acté par l’Entente.



[1] https://avenirdenosdechets-hautevienne-creuse.fr

Suivi du dossier sur le site de la CNDP.